5 questions à Vanessa Cournoyer, réalisatrice de «Famille de criminel»

Après avoir fait ses classes auprès des concurrents d’Un souper presque parfait, dont elle a été l’une des réalisatrices, Vanessa Cournoyer a mis son talent au profit de nombreux magazines et de séries documentaires. À table avec mon ex, Chez Marie-Mai, Les enfants invisibles, J’aime ton style, Autonome figurent à son CV. Elle a réalisé la série Enfance paranormale diffusée sur Crave et Canal D. Complice d’Annie-Soleil Proteau pour La maison où j’ai grandi, elle l’a suivie sur Famille de criminel.
Depuis deux saisons, elle accompagne donc Annie-Soleil et Félix Séguin dans leur désir de donner la parole aux gens qu’on n’entend pas. C’est une série documentaire pleine d’empathie, sans complaisance, qui témoigne de l’autre côté de la médaille. S’il y a ceux qui joignent le clan criminel ou se prennent la main dans l’engrenage, il y a ceux qui deviennent des victimes collatérales de ces mauvais choix de vie.
Vanessa Cournoyer
Photo fournie par Julie Artacho
Comment arrivez-vous à gagner la confiance des protagonistes qui acceptent de vous parler?
Les familles ont d’abord besoin d’être rassurées et informées sur la façon dont leur histoire va être dépeinte à l’écran. On fait un visionnement avec chacun d’eux. On ne veut surtout pas qu’ils pensent qu’on prend profit de leur vécu. Pour plusieurs d’entre eux, il y a quelque chose de thérapeutique à parler devant la caméra. C’est comme si quelque chose vient s’ancrer. Dans certains cas, ils trouvent des réponses grâce au travail de Félix. Un homme comme Donald Saulnier, dont le fils a été tué par des policiers, c’est quoi ses outils? Il a besoin de soutien.
C’est Annie-Soleil qui mène les entrevues avec les membres des familles et même parfois avec des criminels repentants. Quelle est son approche?
Annie-Soleil joue cartes sur table. Elle est authentique, vraie. Elle a une compréhension de ce qu’ils vivent, elle a de l’empathie, mais ne romantise pas leur histoire. Elle ne juge pas et fait preuve de beaucoup de gentillesse. Pour être gentil, il faut être très intelligent. Ce ne sont pas des entrevues faciles. Alexandra Mongeau, fille de «Mom» Boucher, a pris la parole pour la première fois. Tout le monde a une idée préconçue. Il fallait raconter l’histoire sans la glorifier. Ça demandait énormément de délicatesse, de justesse. Alexandra avait 10 ans quand son père a été emprisonné. Elle a le droit de dire qu’elle a aimé son père.
Qu’est-ce qui détermine les lieux où vous tourner?
On retourne parfois sur des lieux significatifs. Mais ce n’est jamais en surprise. Dans la saison 1, nous sommes retournés avec la mère de William Robinson où son corps a été retrouvé. C’est une blessure qui reste et ressort. Johanne avait besoin de réponse et ça a été un moteur. Ça fait place à des émotions touchantes. Tiso était aussi animé par un désir de comprendre en retournant sur les lieux où son frère est mort. Je privilégie aussi de tourner chez les gens. S’ils ne sont pas à l’aise, on va dans un lieu qui leur ressemble, où ils sont à l’aise. Dans l’épisode 1 de la 2e saison, Véronique Laffont se sentait chez elle au restaurant qu’elle fréquente. Notre quartier général, où Annie-Soleil et Félix échangent, est un lieu plus intime. Nous avons travaillé la lumière qui contraste avec le contenu.
On retrouve dans la série une richesse d’archives et des évocations.
Karine Perron a fait un travail colossal aux archives. J’ai le privilège de pouvoir faire des rafales d’archives dynamiques sur de la musique originale. Thomas Hébert a fait la musique du générique qui se décline tout au long de la série, mais on a aussi utilisé du Imposs, du Souldia. J’ai préféré travailler les évocations et non des reconstitutions pour comprendre l’univers dans lequel les gens ont grandi, évolué.
Après une entrevue, que vous dîtes-vous sur le chemin du retour?
Il y a souvent un grand silence. Ça nous prend un moment pour décanter. On rencontre des gens qui ont beaucoup souffert. Il y a des moments où toute l’équipe pleure. Il y a souvent plein de questions qui nous viennent. L’impact est tentaculaire quand un membre d’une famille décide de prendre le chemin de la criminalité. Les familles sont laissées pour compte et traitées autrement de celles dont un membre est mort dans des circonstances non criminelles. J’ai l’impression avec ce projet de faire un peu œuvre utile. Et si on peut dissuader une personne de sombrer dans la criminalité, c’est mission accomplie parce que le crime ne paie jamais.
Capture d’écran fournie par illico+
Famille de criminel
Disponible sur illico+